Présentation

Ce colloque a pour but de questionner les moyens d'alerte (institutionnels et numériques) et leur pertinence en fonction des critères des aléas (variables selon leur nature, leur cinétique, leur spatialité, leurs temporalités, leurs seuils, etc.) et selon les caractéristiques des territoires (variables en termes de population, d'exposition, de vulnérabilité, de résilience, d'adaptation, etc.), et d'ouvrir les débats sur la manière dont il faudrait alerter la population dans les années à venir en France.

Une alerte est un signal qui est donné pour informer une personne ou une population de l'imminence d'un danger. Elle se différencie de l'avertissement par une temporalité beaucoup plus courte vis-à-vis de l'approche du danger. En France, le décret n°2005-1269 (12 octobre 2005) relatif au code d'alerte national décrit « les mesures destinées à alerter et informer en toutes circonstances la population, soit d'une menace ou d'une agression au sens des articles L. 1111-1 et L. 1111-2 du Code de la défense, soit d'un accident, d'un sinistre ou d'une catastrophe au sens de la loi du 13 août 2004 ». Ces mesures sont mises en œuvre par les « détenteurs » de tout moyen de communication au public, ce qui indique qu'aucune personne ne peut, à titre individuel, véhiculer une telle alerte. Le déclenchement de cette alerte est une tâche qui incombe aux autorités si l'aléa dépasse les limites départementales. Cette procédure nécessite une validation et des contrôles à différents niveaux, qui allongent finalement la durée nécessaire à la prise de décision.

Sirene

Les autorités (i.e. maires, préfets et le Ministre de l’Intérieur) sont les seules à être habilitées à diffuser une alerte à la population en France, dans une logique descendante, mais le processus de validation et la temporalité de la diffusion sont de plus en plus mal compris par les citoyens, ce qui favorise l’émergence de dispositifs « hors cadre » (applications smartphone, réseaux sociaux numériques, initiatives citoyennes type « voisins vigilants » ou réseaux « sentinelles »). Cela accentue aussi la confiance accordée à d’autres interlocuteurs, qui pourtant, ne sont pas nécessairement légitimes.

Les moyens de communication classiques semblent également dépassés car ils ne correspondent plus aux attentes des habitants comme en témoignent encore les récents et tragiques évènements survenus dans l'Aude (14 décès le 15 octobre 2018). Les catastrophes naturelles surviennent avec plus de répétitivité aujourd’hui, en lien avec le réchauffement climatique (i.e. l’augmentation de l’air entraîne une intensification des épisodes pluvieux puisque d’une augmentation d’1°C induit une capacité hydrométrique qui s’élève de 7%), mais aussi parce que les politiques publiques, les aménagements ou les citoyens n’accordent pas assez d’importance aux risques qui peuvent survenir sur leurs territoires de vie.

De façon sommaire, on peut dire qu'en France, la prévention et la prévision des risques naturels sont du ressort du Ministère de la Transition écologique et solidaire, tandis que la gestion de crise relève du Ministère de l'Intérieur via les services déconcentrés de l'État. À l'interface entre les deux se situe l'alerte. Bon nombre d'études portent sur les réseaux pendant la crise (exemples de l'ouragan Sandy en 2012 aux États-Unis ou de Fukushima au Japon en 2011) ou post-crise (exemple du séisme à Haïti en 2010), mais finalement peu d'études portent spécifiquement sur le moment de l'alerte. Or on constate que l'interprétation erronée des messages d'alerte, la confusion avec les niveaux de vigilance météorologiques ou la perception et la compréhension des comportements à adopter (qui dépendent du contexte et qui sont parfois contradictoires : faut-il en effet se confiner, évacuer, se mettre à l’abri ?) conduisent à augmenter la vulnérabilité des personnes, à entraver les opérations de mitigation du phénomène, à brouiller les communications voire à perturber les choix décisionnels des responsables (maires et autres personnes en charge de populations).

Par ailleurs, les aléas à cinétique rapide constituent la forme la plus dangereuse des risques observés en France. Les crues rapides, par exemple, se caractérisent par un écoulement torrentiel et par leur soudaine apparition, et entraînent des dégâts plus ou moins dramatiques selon l’importance des enjeux et la vulnérabilité des secteurs géographiques affectés (Gaume et al., 2009 ; Vinet et al., 2010). Le temps nécessaire à la mise en sécurité des personnes, incluant le délai de déclenchement de l'alerte et l'évacuation, est très souvent supérieur au temps de réaction hydrologique (1 à 2 heures voire moins), ce qui soumet les autorités à des difficultés de prévision ou d’anticipation (Bontron et al., 2003). Les séismes, les glissements de terrain soudain ou les tornades font aussi partie de ces aléas.

Dans ce cadre, la dimension de l'alerte, selon le nombre d'individus l'ayant reçu et l'interprétation du message qui en découlera, est un enjeu crucial. Deux études spécifiques (Ruin, 2007 ; Boissier, 2013) ont mis en corrélation la perception de l'alerte et les comportements adoptés pouvant conduire à la mort. Elles pointent les représentations hétérogènes des niveaux d'alerte et soulignent que c'est durant le niveau de vigilance hydro-météorologique orange que l'on dénombre le plus grand nombre de victimes (74%) sur la période 1988-2011 dans le pourtour méditerranéen. L’événement d’octobre 2018 dans l’Aude vient, de nouveau, rappeler une telle réalité. Au-delà des populations impactées, ce questionnement concerne bien entendu les maires à qui revient la responsabilité de l'alerte aux populations (art. L2212-2 et alinéa 5° du CGCT) en vertu de leurs pouvoirs de police. Cette lourde responsabilité repose sur l'accès à des informations fiables concernant l'ampleur du phénomène et son niveau de criticité, ainsi que sur son interprétation qui reste fondamentalement subjective.

Ce colloque se décomposera selon 9 sessions comprenant chacune 4 interventions, animées par un.e référent.e sur le sujet. Un temps d’échanges et de débat ponctueront chacune de ces sessions afin de laisser une large place aux interactions avec le public. Des ateliers et des sessions de posters viendront compléter ces contenus. Enfin un grand témoin, Monsieur Patrick Lagadec, clôturera ce colloque.

  • Session 1 : Contexte réglementaire de l’alerte en France
  • Session 2 : Déclencher l’alerte, un processus complexe
  • Session 3 : Quelles perceptions de l’alerte ?
  • Session 4 : Une place pour les initiatives citoyennes ?
  • Session 5 : Quelles évolutions attendre ? (1) 
  • Session 6 : Quelles évolutions attendre ? (2) 
  • Session 7 : Comment diffuse-t-on l’alerte ailleurs ?
  • Session 8 : Des catastrophes (im)prévisibles ? (1)
  • Session 9 : Des catastrophes (im)prévisibles ? (2)
Personnes connectées : 1